« Nous gardions sept vieux téléphones dans un tiroir »… Des « home organiser » les ont aidés à désencombrer leur appart

Combien avons-nous d’écrans dans nos foyers ? Et de chaussures et de vêtements ? Bien souvent, l’estimation que nous donnons est bien en deçà de la réalité. L’expérimentation « Osez changer », lancée par l’Ademe, en a apporté la preuve.Pendant sept mois, 21 familles ont été accompagnées pour répertorier, trier et désencombrer leur logement… En moyenne, les foyers se sont séparés de 31 % de leurs objets toutes catégories confondues et de 37 % de leurs textiles.Ce n’est pas rien, alors que les équipements que nous possédons prennent une part importante de notre empreinte carbone totale, encore plus lorsqu’ils sont renouvelés fréquemment. C’est bien l’objectif final de l’opération : questionner nos consommations.

 

« Je pensais avoir huit paires de chaussures… J’en avais 27 », sourit Laure Fabier. Cette ingénieure dans le domaine du développement durable, originaire du Sud-Ouest et maman de deux enfants, est loin d’être la seule à sous-estimer le nombre de chaussures enfouies dans ses placards. Un grand classique même si on croit les résultats d’« Osez changer », expérimentation lancée l’Agence de la transition écologique (Ademe).

De mars à octobre, six « home-organisers » – des professionnels de l’organisation et du rangement, métier tout nouveau*- sont entrés dans 21 foyers volontaires pour travailler, avec eux, au désencombrement de leurs logements. Comptez pour chacune des familles « cinq journées complètes de travail, espacées de trois semaines et avec, entre chaque rendez-vous, du travail en autonomie pour les participants », décrit Marie Végas, l’une des six home organiser à avoir participé.

Un choc entre l’estimation et la réalité de nos possessions

L’expérimentation ne se réduisait donc pas à vider à la va-vite les placards pour mettre tout le contenu pêle-mêle dans des cartons et les déposer sur le trottoir. Une première étape, fastidieuse, a été de répertorier, trier et compter ces objets. « En se concentrant sur six catégories de produits, précise Pierre Gallio, chef du service consommation responsable à l’Ademe. Les vêtements et chaussures, les meubles, le bricolage, les jouets, les équipements sportifs et les équipements électriques et électroniques. Avec, bien souvent, un premier choc d’entrée entre l’estimation et la réalité de leurs possessions. En moyenne, sur les 21 foyers témoins, le nombre de paire de chaussures estimé par adulte, était de 16 au lieu des 29 possédées réellement. Mais ça ne vaut pas que pour les chaussures. Les vêtements en général. « L’une des personnes que j’accompagnais pensait avoir trois paires de jeans, elle en avait douze », illustre Marie Végas.

Les enfants, aussi, sont bercés d’illusions. Ceux de Laure Fabier pensaient avoir entre 20 et 25 peluches à eux deux. « C’était en réalité le double », confie la maman. Quant aux écrans (ordinateurs, téléviseurs, smartphone…), les écarts sont moins importants, mais existent tout de même. Parmi les 21 foyers d’ « Osez changer », on passe de douze estimés à quatorze possédés réellement. « Nous gardions sept vieux téléphones dans un tiroir, en nous disant qu’ils pourraient un jour servir aux enfants », indique Laure Fabier.

« On perçoit rarement nos achats comme des objets qu’il va falloir stocker »

S’ils peuvent faire sourire, ces décalages alourdissent nos empreintes carbone individuelles. Et pas qu’un peu. En 2018, l’Ademe a réalisé plusieurs travaux pour calculer l’empreinte environnementale des textiles, des biens électriques et électroniques, des jouets… « Non seulement, on s’est rendu compte que les impacts environnementaux de ces équipements étaient loin d’être négligeables, mais qu’ils étaient surtout générés pendant la phase de leur fabrication », explique Pierre Galio. Ce qui rend leur accumulation et/ou leur renouvellement fréquent loin d’être négligeable dans le bilan carbone des Français.

C’est tout l’intérêt alors d’« Osez changer » aux yeux de Maud Herbert, professeure des universités, spécialisée en Marketing et culture de consommation à l’IAE Lille et l’une des chercheuses à avoir coordonné l’expérimentation. « La plupart du temps, nos actes d’achat répondent à une envie, une demande, une promotion, commence-t-elle. C’est très souvent pensé dans l’instantanéité, que ce soit du neuf ou de la seconde main. On perçoit rarement nos achats comme des objets qui vont rentrer dans notre maison et qu’il va falloir stocker. » En photographiant nos affaires, « on se rend compte alors qu’on a perdu le contrôle sur nos possessions, que ces biens envahissent nos espaces de vie », poursuit-elle.

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Plus de deux tonnes d’appareils électriques et électroniques données

Mais l’inventaire est bien à voir comme « la porte d’entrée de la démarche », répètent Pierre Gallio comme Marie Végas. L’étape suivante fut celle du désencombrement. « C’était la thématique de la troisième journée de travail qui consistait à regarder, pour chacune des familles, les options possibles à proximité pour offrir une seconde vie à leurs biens qu’ils considéraient comme en trop, explique la « home organiser ». Du don à la vente d’occasion, en passant par la réparation,l’upcycling [transformer un objet pour lui donner un autre usage], la réparation ou le recyclage, mais vraiment en dernière option. »

En moyenne, lors de l’opération, les foyers se sont séparés de 31 % de leurs objets toutes catégories confondues et de 37 % de leurs textiles (vêtements et chaussures), indique l’Ademe. Plus de deux tonnes d’appareils électriques et électroniques ont également été données, vendues ou dirigées dans les filières de recyclage. Pour sa part, Laure Fabier confie avoir donné beaucoup de jouets. « J’avais posté l’amoncellement que formaient ceux-ci sur les réseaux sociaux et j’ai été contactée par une amie qui me disait que sa sœur ouvrait tout juste une Maison d’assistantes maternelles », raconte-t-elle.

Questionner nos modes de consommation pour finalité

Reste à savoir si les participants poursuivront leurs efforts et qu’ils changeront durablement leurs habitudes de consommation. C’est bien la finalité d’« Osez changer » : qu’une fois désencombrés, les placards ne se remplissent pas aussitôt. Pas évident « alors que nous nous inscrivons dans un modèle de société où l’offre prédomine et où la publicité et le marketing nous créent des besoins parfois artificiels », rappelle Pierre Gallio.

C’était l’enjeu des deux dernières journées de travail au cours desquelles les participants avaient à faire une liste d’engagements à respecter. Si un peu plus de la moitié portaient sur la poursuite d’une démarche de tri et désencombrement (ranger, trier, organiser la maison, sensibiliser l’entourage à l’opération), près de la moitié portait davantage sur la consommation plus responsable et le fait d’éviter l’achat de produits neufs, comptabilise l’Ademe. Comme « faire sortir un objet pour chaque objet qui entre dans le foyer ». Pour sa part, Laure Fabier, qui mettait déjà en place des bonnes pratiques (comme celle de recoudre les vêtements usagés) dit avoir tout de même pris conscience qu’elle achetait parfois très rapidement, notamment en ligne. « Sans prendre toujours le temps de la réflexion, explique-t-elle. Je m’accorderai désormais systématiquement un délai de 24h de réflexion avant de valider un panier », lance-t-elle parmi ses résolutions. « Un bon réflexe, valide Maud Herbert qui en ajoute une autre, complémentaire : « se demander où est-ce qu’on va pouvoir ranger ce bien qu’on s’apprête à acheter. »

Une saison 2 dans les cartons ?

L’Ademe reviendra voir ces 21 foyers dans quelques mois pour faire un point sur les difficultés ou non à pérenniser ces engagements. « Pourquoi pas aussi lancer une saison 2 ? », ajoute Pierre Gallio qui verrait même d’un bon œil que l’opération fasse l’objet d’une émission de télévision. « Après tout, il y en a déjà toute une série axée sur des accompagnements personnels [relooking, achats d’un bien immobilier…] », rappelle-t-il. Cette fois-ci, au moins, ça irait dans le sens de la transition écologique.

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*«Le nombre d’home organiser est en constante évolution, précise Marie Végas. On estime qu’on est 150 en France, dont près de 90 inscrits à la Fédération francophone des professionnels de l’organisation.» Et pour un accompagnement comme celui mis en place dans le cadre de l’opération «Osez changer», financé par l’Ademe, le coût est estimé à 3.000 euros par Marie Végas.

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